Jardin exotique de Roscoff, l’hémisphère sud dans le Finistère nord !
Spécialisé dans les plantes subtropicales, notamment les protées dont il possède la collection nationale, ce jardin exceptionnel de 1,6 ha s’est développé autour d’un gros rocher duquel on a une très belle vue sur la baie de Morlaix. Il fera le plaisir des promeneurs comme celui des amateurs de plantes. Rencontre avec Jean-Michel Moullec, vice-président de l’association du G.R.A.P.E.S (Groupement Roscovite des Amateurs de Plantes exotiques Subtropicales) et fin connaisseur en botanique.
Hortus Focus : quand ce jardin est-il né ?
Jean-Michel Moullec : il a été créé en 1986 sur l’initiative de Daniel Person, un hôtelier et amateur de plantes subtropicales et Louis Kerdilès qui était chef-jardinier de la ville. Auparavant, le département du Finistère avait acheté la parcelle qui se trouve autour du rocher pour la sauvegarder des aménageurs. Ne sachant trop quoi en faire, il l’a rétrocédée à la ville de Roscoff. Depuis 1987, le jardin est dans les mains de l’association G.R.A.P.E.S qui emploie du personnel et fait donc payer l’entrée.
Quelle est sa spécificité ?
Nous sommes à l’endroit le plus doux de Roscoff à cause du rocher, ce chaos granitique de 18 mètres qui emmagasine la chaleur pendant la journée et la restitue la nuit. Aussi, Daniel Person a pensé qu’on pourrait planter ici des plantes qu’on ne pouvait pas planter ailleurs. Il a commencé à faire des essais. Il avait aussi des protées, qu’il a commencé à cultiver à l’extérieur, ce qui était considéré, à l’époque, comme impossible en France. Il a donc créé des collections. Ensuite, un jeune ingénieur horticole, Alain Le Goff, a établi le plan du jardin et a réalisé, lui aussi, de nombreuses plantations. Jusqu’à 2003, date à laquelle j’ai repris tout ce qui était botanique.
Quelle a été votre priorité ?
J’ai introduit la façon scientifique de travailler dans le jardin. À l’origine, je suis historien et archéologue, donc je suis habitué à faire des plans, des mesures, des listes de pièces trouvées dans les fouilles. J’ai introduit, ici, une liste et un numéro pour chaque plante ainsi qu’un plan pour savoir où elles étaient. J’ai créé une base de données et un cahier de collection où toutes les nouvelles plantes figurent. On a aussi un cahier de plantations.
Comment s’organise le jardin ?
Ce qui dicte l’ordre, c’est la rusticité ! Les plantes peu rustiques sont plantées près du rocher, car de l’autre côté du jardin il peut geler (-4 à -5°, une ou deux nuits par an). Après, on agit par rapport au paysage et au sol.
Comment des plantes subtropicales peuvent-elles pousser en Bretagne ?
Ce n’est pas une question de climat, mais d’acclimatation. On ne choisit, dans les différentes régions du monde, que celles qui peuvent pousser ici. Par exemple, je ne planterai jamais de baobab, car ils ne supporteraient pas l’hiver. En revanche, beaucoup de plantes d’Afrique du Sud (de la région du Cap) s’acclimatent bien. En faisant attention.
Quelles sont les plantes dont vous êtes le plus fier ?
Nous avons près de 3500 espèces dans le jardin. Notre spécialité c’est les Protéacées avec le genre Protea dont nous avons la collection nationale. Les Myrtaceae : nous avons 100 eucalyptus différents dans le jardin (comme ils poussent très vite, ils ont été plantés au tout début pour créer un effet de masse) ; nous avons aussi des callistemons (les fameux rince-bouteilles). Et puis, nous avons également des plantes des Canaries comme les Echium qui, chez nous, montent à trois mètres de haut.
Parlez-nous des protées
Nous avons une trentaine de variétés (avec les hybrides), c’est l’une des plus belles collections de France. Les protées poussent au soleil, donc il ne faut pas qu’elles soient trop près des arbres. Elles ont besoin d’un sol drainé, pas trop profond, d’un peu d’humidité en hiver et surtout pas d’engrais. Elles fleurissent l’automne, l’hiver et au printemps (chez nous, jusqu’au 15 juillet, parfois plus). Elles sont fragiles. Les plus rustiques tiennent jusqu’à – 7°C et les moins rustiques ne tiennent pas en dessous de 0°C. Elles poussent surtout près du rocher comme la Protea susannae que nous sommes les seuls à avoir. On a aussi des protées à feuilles de laurier rose (Protea neriifolia), des Protea lepidocarpodendron (noires) et des Protea compacta (roses)…
Les cultiver demande-t-il de la patience ?
Quand j’ai semé la Protea eximia, j’ai attendu six ans pour avoir la première floraison ! Mais les gens ne sont pas toujours patients. On trouve de plus en plus dans la région des vendeurs de protées, mais ce sont des hybrides le plus souvent. Du coup, on finit par trouver toujours les mêmes plantes. Or moi, je veux à tout prix avoir une diversité végétale. On a semé des quantités de protées royales (Protea cynaroides) et on en a obtenu de très différentes les unes des autres. Ça, c’est intéressant ! Par contre, on n’arrive pas à avoir de graines, faute de bons pollinisateurs. Nos abeilles vont dedans, mais manifestement, il y a un problème.
D’où viennent vos plantes ?
La moitié de nos plantes vient d’Afrique du Sud, beaucoup par semis puisqu’on a un bon fournisseur de graines là-bas. On a aussi des plantes d’Australie, de Nouvelle-Zélande, d’Amérique du Sud ; on monte jusqu’au Mexique et la Californie. Certaines plantes viennent de Macaronésie c’est-à-dire des îles Canaries, de Madère, du Cap Vert, et d’autres, enfin, sont originaires d’Asie.
Ce jardin est-il difficile à entretenir ?
On n’a pas beaucoup de personnel contrairement à un jardin public. Il y a 6 personnes (5 femmes et un homme, le jardinier). En fait, ici, c’est un jardin de femmes ! Une s’occupe de l’administration, les autres sont responsables de tel ou tel aspect du jardin. Ça s’est fait un peu par hasard, elles étaient compétentes en botanique !
Le jardin exotique et botanique de Roscoff est ouvert du 15 mars au 15 novembre. À voir aussi le jardin Georges Delaselle, sur l’île de Batz (qui fera l’objet d’un prochain article).
Y aller: le TGV jusqu’à Morlaix. Puis quelques kilomètres de voiture.
Se loger: l’hôtel la Résidence des Artistes*** (accueil et déco. sympa, bon petit déjeuner)
Se restaurer : chez Corinne, 1 place de la République (ambiance vintage et chaleureuse, bonnes pizzas)
Bonne table: le Brittany (1 étoile Michelin). Le chef Loïc le Bail ne travaille qu’avec des pêcheurs et producteurs locaux et propose toutes les spécialités de la mer. À goûter son eau minérale parfumée aux algues et son sublime homard bleu (photo) !
Pour tous les renseignements: www.toutcommenceenfinistere.com et www.roscoff-tourisme.com
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